jeudi 20 mai 2010

une lettre de 1675 (4)

AMEP, volume 734, page 122.

Je me fais rendre les lettres de supériorité que Votre Grandeur lui avait (p. 122) données et votre règlement disant que puisqu’elle ne lui voulait plus obéir qu’il était inutile de la laisser davantage là dedans, cependant que l’évêque ni ses missionnaires (ne prendraient) se demettaient de la charge de ce couvent, et que puisqu’elles ne voulaient avoir d’autre règle que leur propre volonté, qu’elles la suivissent.
Comme je m’en retournais tout triste, la plus fervente demande à me parler en particulier, et me nomme l’autrice de tout le désordre ; un autre m’en nomme un autre et toutes m’advenèrent que c’étaient les deux les plus seditieuses et libertines du couvent, je les rassemble alors, et je commende à ces deux de sortir à l’heure même du couvent, et que quand elles se seront notablement amendées chez leurs parents, je leur donnerais permissions de réunir.
Deux jours après, je remplis la place d’une de ces recelées d’une autres appelées depuis très longtemps à cela.
Les deux filles obéirent, mais étant demeurées peu de jours avec les vierges de Ba Khi, elles revinrent d’elles-mêmes et rentrèrent dans le couvent. Le Père Luc m’en donna avis à Faïfo, ce qui m’affligea un peu, vu les suites que j’appréhendais du mélange de ce levain parmi la bonne pâte. J’ai pourtant espéré que cette procédure les tiendra un peu en crainte et ensuite je leur écrivis une grande lettre d’exhortations.
(...)
P. Jean de Courtaulin à Mgr Lambert de la Motte.

une lettre de 1675 (3)

P. Jean de Courtaulin à Mgr Lambert de la Motte.
AMEP, volume 734, page 121.

Cela étant en cet état, je fus obligé d’aller chez Bà Khí où je trouvai cinq vierges, que Dieu par une providence aussi admirable qu’amoureuse avait séparées de l’autre couvent pour les conserver dans l’innocence ; car en vérité, en comparaison des autres, c’étaient les cinq vierges sages qui avaient leurs lampes bien garnies; la sœur de Joachim qui est à Siam en est une, et une vraie héroïne en ferveur ; une jeune veuve qui depuis dix ans donne des exemples d’une vertu extraordinaire, se joindra à elles vers Pâques, si elle continue comme elle a commencé. Les pénitences, les jeûnes et la pureté sont admirables parmi ces âmes; elles m’ont enlevé une autre ceinture de fer; auparavant elles se donnaient la discipline jusqu’à trois fois en une nuit; elles jeûnaient trois jours par semaine; elles n’ont point de supérieure, mais la charité et l’union entre elles y suppléent. Après avoir remédié à quelques petits défauts de peu de considération, je les ai laissées dans l’espérance que Dieu en fera des âmes d’élite, et me suis bien gardé de les exhorter à revenir au grand couvent.
Je leur ai défendu de sortir sans l’expresse permission de Ba Khi qui est une sainte femme et les assiste pour le temporel. Étant retourné voir les filles du grand couvent, la supérieure me réitéra ses instances de quitter la maison. II faut qu’on la méprise beaucoup pour l’obliger à me faire ces instances, vu les défenses que je lui en avais faites. J’étais moralement certain que la plupart des filles lui obéissaient sincèrement; aussi je la pressai de me découvrir en particulier celle qui causait ce désordre; mais ni d’elle ni des autres je ne pus rien obtenir.Je les traitai très rudement et dis à la supérieure que tout aussitôt après la messe elle pliât bagages. Voilà les filles sont en alarme et les méchantes qui font semblant d’en être plus fâchées que les autres. La messe étant achevée, j’entre dans le couvent avec un visage sévère. Je me fais rendre les lettres de supériorité que Votre Grandeur lui avait (p. 122) données

une lettre de 1675 (2)

AMEP, voulme 734, page 120.

À tous ces maux je crus que Dieu (p. 120) me demandait de commencer par remédier à ce dernier mal qui était la source de tous les autres.
Je découvris dans les fréquents entretiens que j’eus avec la supérieure qu’à la vérité elle est ignorante et grossière ; mais c’est pourtant une âme d’élite: la crainte de Dieu, une obéissance aveugle, une humilité et une charité incomparables, la rendent aussi grande aux yeux de Dieu qu’elle est méprisable en soi-même et à ses filles. Je commençai par lui demander quelques jours pour délibérer si je lui donnerais la permission de sortir du couvent; cela donna de l’épouvante aux filles, car quoi qu’elles la méprisent, elles ne laissent pas de l’aimer au fond, parce que c’est comme une bonne mère poule qui donne à manger à ses poussins ; elle est ménagère, et traite peut-être trop bien ses filles. Ayant connu cela, je poussai à la roue, et lui dis que sur le point de lui donner la permission de s’en aller, il me fallait consulter les filles; je les fis donc venir les unes après les autres, et toutes me prièrent instamment de la retenir.
Cela étant fait, je fis revenir la supérieure et lui défendis dorénavant de parler de départ, lui représentant qu’après une si manifeste déclaration de la volonté de Dieu, elle ne pouvait sortir sans pécher ; que son évêque l’avait établie supérieure après que les filles l’avaient élue ; que je voulais que ces dernières lui obéissent, et que la première qui lui désobéirait, en chose de conséquence, je la chasserais du couvent. Elles me le promirent. Je les pris toutes ensuite en particulier, et leur représentai les désordres et le pitoyable état de ce couvent, le jugement de Dieu si sévère à ceux qui abusent de ses grâces. Elles se repentent, elles font des confessions générales, elles entrent même en scrupule et ont l’appréhension d’encourir l’indignation de Dieu ; elles m’arrachent une ceinture de fer, de feu M. Hainques, que je trouvai là par hasard ; elles se font des disciplines, et enfin embaument mon âme d’une odeur très suave.
En même temps j’ajoute les aides extérieures à ces intérieurs, je fais faire une bonne porte que je leur commande de tenir toujours fermée ; je leur ordonne de relire les règlements que Votre Grandeur y a laissés de quinze en quinze jours une fois, et [je] leur fais une horologe [sic] de demi-heure pour l’oraison, et en même temps [je] leur fais des longues instructions pour leur apprendr la méthode (p. 121) pour la bien faire.

une lettre de 1675 (1)

A. M.E.P., volume 734, page 119.
1675.
Depuis la dernière lettre que je me donnai l’honneur d’écrire à Votre Grandeur étant à Quanghia, environ le 7 ou 8e de décembre de l’an 1674, je fus chez le catéchiste Tiẹc qui, à proprement parler, est le seul catéchiste qui soit en Cochinchine et en fasse l’office ; j’y eus bien de l’occupation le samedi au soir et le samedi suivant.
Dans cet intervalle, je fus revoir le couvent des filles à Botláy, chez Ou Thomé Deạ ; j’entrai dans la maison et fis lire le règlement que Votre Grandeur y a établi. Je m’informai de la supérieure et des particulières si tous les points s’observaient bien exactement; je n’en pus avoir aucun éclaircissement. Étant pourtant souvent allé à l’église à la dérobée, trois ou quatre fois j’entendis les éclats de rire dissolus; d’ailleurs leur oraison était si courte, qu’à proprement parler ce n’était qu’une lecture simple du sujet d’oraison; les interrogeant sur les choses spirituelles, je remarquai une grande ignorance ; tout cela, joint aux instances pressantes et importunes que me faisait la supérieure de sortir du couvent, me fit entrer en soupçon de quelque grand désordre dans ce couvent, ce qui m’obligea à redoubler mes prières auprès de Dieu pour en obtenir d’éclairer mon esprit, afin de découvrir tout le mal et d’y porter le remède convenable. Dieu m’exauça : je découvris enfin que ce couvent était sur le bord du précipice. L’oraison et la recollection ne s’y faisaient que par manière d’acquit; on y avait presque entièrement oublié les constitutions de Votre Grandeur; on n’y pratiquait plus la pénitence; on n’y entendait que des discours profanes, des rires éclatants et dissolus; les hommes y entraient et sortaient quand ils voulaient, et la supérieure même m’avertit que les hommes se divertissaient avec les filles jusqu’à toucher leurs mains et leurs pieds, ce qui est en Cochinchine les prémices immédiats de l’entière fornication. Ce ne fut qu’après quatre ou cinq jours de travaux et de veilles que je tirai d’elle cet aveu ; le pis de tout, c’est qu’il n’y avait plus de subordination ni d’obéissance envers la supérieure.
À tous ces maux je crus que Dieu (p. 120)